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Peinture
André Lhote écrit à propos de la peinture "La fanaison" de Brueghel-le-vieux, "qu'il fut également fort économe de contrastes". Ceci n'est il pas également le reflet d'une lumière du nord ? le fait d'avoir peu ou pas de contraste dans une lumière vaporeuse, douce de fin d'après-midi d'été ? Il ajoute: "On est étonné de voir des séries entières de figures confondues ensemble et comme tissées dans les fonds"
(André Lhote dans son "traité du paysage", Librairie Floury, Paris, 1941, p. 119.)

Peinture
Si j'avais peint dans le Nord, comme il y a trente ans, ma peinture aurait été différente : il y aurait eu des brumes, des gris, des dégrada­tions de la couleur par la perspective.
(Matisse, in : Aragon, "Henri Matisse", roman, Gallimard, Paris, 1971.)

Pellicules photo
Si on prend l'histoire des pellicules, il est très intéressant de voir que les traitements de laboratoires en Allemagne, en Italie, en France en Angleterre et aux Etats‑unis sont différents. Ils suivent parfaitement l'histoire de la peinture dans chacun de ces pays. Pourquoi les objectifs allemands sont très contrastés et les objectifs français beaucoup plus doux? L'histoire de la peinture en France est beaucoup plus douce que l'histoire de la peinture en Allemagne, en terme de contraste et de couleur. Pourquoi chez les américains, la Kodak est plus dure? Ce sont des couleurs racoleuses, pétantes. La Fuji est beaucoup plus pastelisée. Vous voyez le Japon et les Etats‑Unis vous comprenez. C'est exactement ça, tout part de la culture interne et intérieure à chaque pays. C'est passionnant de considérer les choses comme ça. Parce qu'elles sont comme ça.
(Yves Angelo, interview en nov. 1995, in: Zoé Vink, "L'évolution du regard", mémoire de fin d'étude I.N.S.A.S., Bruxelles, 1995, pp. 72-73.)

Pellicules photo
Nouvel 0bservateur: Dans votre film "Prénom Carmen", vous avez mis Kodak au générique, avec Raoul Coutard et vous, pour la photographie.
J.‑L. GODARD: Je ne voulais pas de Fuji. Les Japonais ont mis au point une pellicule qui est faite pour les couleurs, les lumières japonai­ses, qui ne sont pas les couleurs et les lumières de Vermeer ou Rembrandt. Et puis ils travail­lent sur des à‑plats qui ne sont pas les à‑plats de Matisse ou de Picasso, sur des visages mats. La Fuji est faite pour cela. En Occident, les visa­ges... on dit que les visages sont pâles mais c'est faux, ils sont roses, jaunes, roses quand on est ému, rouges quand on est en colère... Kodak est dans la tradition de la peinture hollandaise.
(Jean-Luc Godard, in: Le Nouvel Observateur, 30 décembre 1983, p. 53.)

Jardins du nord et du sud
Le jardin méditerranéen se caractérise par le contraste permanent entre le soleil et l'ombre, ce n'est pas le cas dans les pays de climat nordique, comme l'Allemagne ou l'Angleterre, car la lumière ne produit pas les mêmes contrastes. Dans le jardin paysager anglais, les ombres lumineuses sont le fruit d'affinités et non d'oppositions; le jardin méditerranéen crée des mouvements lumineux issus des contraires qui s'affrontent en permanence.
(Fernando Carucho, extrait de l'émission "Jardins d'Artistes" (9/13) de documentaire allemand de 2002 de Christoph Schuch, diffusé sur Arte le 27 août 2005, 18è minute.)
[les forts contrastes de lumières et d'ombre sont valorisés par une géométrie rigoureuse, par contre, les nuances le sont dans les mouvements ondulants des jardins anglais.]

Architecture
L'architecture en Flandres est une architecture de peintres, idem en Hollande. Ce qu'on voit dans ce pays, c'est une architecture pittoresque, on ne voit plus la structure.
Pittoresque veut dire qui mérite d'être peint, une architecture qui se manifeste par les ombres du soleil. Dans le Nord, il faut accentuer les ombres, et on tombe dans le pittoresque. On n'a pas de grandes masses, de beaux volumes.
Quand on monte dans le Nord, plus on manque de lumière, plus on rencontre le pittoresque. L'architecture du Nord est une architecture de peintres une architecture de peintre, pleine de détails, de bulbes, de petits personnages, carillons, … un tas de petites choses, tout y est par petites touches, dans la couleur des châssis, des briques, avec des tours très ajourées, qu'on rencontre ça là; pas des beaux volumes, mais plus de petits dessins. Ca va très bien dans les brumes du Nord. Ce n'est pas une architecture de contrastes comme en France, il est vrai qu'ils ont les matériaux aussi: la pierre partout.
Là-bas, ils n'ont que la brique, et s'ils importent des pierres, c'est pour quelques décors. Il n'y a pas de profondeur, ce n'est une archi en surface, que de petite profondeur. Les Français, ils jouent là-dedans, ils jouent avec la profondeur. C'est une archi plate, presque de la menuiserie, avec accumulation de petits effets, c'est comme un retable, il n'y a qu'à regarder l'église du Sablon (à Bruxelles). C'est de la dentelle, de la menuiserie. En Hollande, c'est la même chose, à Delft, des clochers couronnés, des bulbes rococo sur des clochers gothiques (idem à l'église de La Chapelle). Plus on monte dans le nord, plus on a des clochetons. A Moscou, c'est encore pire.
En France, la pierre devient lumineuse. La brique ne reflète pas la lumière comme une pierre blanche. Pourtant ça peut être très beau ici: ces granges avec leurs grands pans de toiture sous la pluie, avec les briques mouillées, font un tout avec le paysage.
En France, il y a le matériau et la lumière. Il faut voir la Chartreuse près d'Avignon, tout y est travaillé en gros, traité en grand. A Beersel, il y a des petits mâchicoulis, un tas de petites choses.
(Françis Bogaert interviewé chez lui le 13 décembre 2003, et au tél le 15 janvier 2004.)

Profils
[La lumière justifie le dessin des profils, que ce soit pour les bases, les corniches, les bandeaux, etc… Viollet-le-Duc le démontre pour différentes époques. Extrait de son 9ème entretien sur l'architecture]:
Jetons les yeux sur quelques-uns de ces profils tracés par les architectes grecs. La figure (ci-dessous) présente des profils de chapiteaux, d'antes et de corniches. A est le profil de la corniche du temple de Castor et Pollux d'Agrigente; ce profil est extérieur; au-dessus du chéneau b est creusée la

coupe-larme c, destinée à empêcher l'eau de pluie de baver le long du larmier; puis vient le larmier d qui arrête la lumière et rejette également les eaux. Les membres e sont vivement accentués, afin de donner des lignes noires sous l'ombre projetée par le larmier. Ce profil remplit donc une fonction et parle aux yeux. Le grand talon supérieur arrêtera les rayons lumineux en g, puis présentera deux traits noirs au-dessus de cette ligne de lumière pour lui donner de la saillie. De même, noyé dans l'ombre portée par ce talon, un second trait noir c fera ressortir la transparence de cette ombre. Si nous faisons tomber un rayon lumineux sur ce profil, suivant un angle de 45°, par exemple, nous pourrons observer que l'artiste obtient deux lignes lumineuses, en h et en g, séparées par des traits noirs; un troisième trait noir en c, comme pour limiter l'ombre projetée par le talon; sous la grande ombre du larmier, d'autres lignes accentuées qui, par le tracé des profils, donnent des reflets vifs et des noirs, afin de rompre l'uniformité de cette large partie obscure.
Il y a donc ici recherche d'un effet, en même temps que satisfaction donnée à une nécessité. Le profil de l'ante du temple de Neptune à Pestum tracé en B, complètement plongé dans l'ombre du pronaos, est fait au contraire pour recevoir une lumière de reflet, ainsi que l'indique la large doucine b'; là encore on remarque ce trait gravé noir c' sous le reflet que prend le membre supérieur. Même observation pour le profil C couronnant l'architrave de l'ordre intérieur.

[…] Si les profils des corniches romaines rappellent ceux‑ci par leur masse, il faut convenir que, dans les détails, ils ne présentent ni cette recherche, ni cette observation des effets; on n'y trouve plus ces refouille­ments qui font ressortir les clairs et surtout les transparences des ombres reflétées ; les galbes en sont mous, indécis ; les courbes mal étudiées, conventionnelles; et, que ces profils soient destinés aux intérieurs ou aux extérieurs, on s'en est médiocrement préoccupé. Au contraire, il est difficile de ne pas constater dans les profils de notre architecture française de l'école laïque du XIIè au XIIIè siècle l'influence des principes qui ont dirigé les architectes grecs.

En voici la preuve. (figure ci-dessus) Même étude fine des courbes, mêmes recherches d'oppositions, mêmes moyens propres à obtenir certains effets de lumières, d'ombres, de reflets et de noirs. Même observation de la fonction que doit remplir le profil. Cela n'est point emprunté à l'art romain, surtout à cet art gallo‑romain descendu si bas, pour tout ce qui est de l'exécution des détails de l'architecture. Les coupe-larmes a, les noirs b, les talons c, les doucines d, les tores e, les cavets f, rappellent le galbe des moulures grecques. En exécution, ces profils sont tracés pour la place qu'ils occupent et la fonction qu'ils remplissent; mais la lumière étant moins belle dans nos climats que sous le ciel de la Grèce et de l'Italie, ces profils sont plus refouillés, comptent moins sur la clarté des reflets, répètent plus fré­quemment ces traits noirs qui accusent les saillies.
(Viollet-le-Duc, "Entretiens sur l'architecture", Pierre Mardaga éditeur, Bruxelles-Liège, 1977, pp. 438-443.)

Modénature
Dans une lumière vive et transparente, la modénature sera vigoureuse dans ses détails, aiguë dans ses lignes principales, ne craignant pas les contrastes. Dans une lumière diffuse les profils devront s'arrondir, se compliquer, se creuser afin que la lumière s'y accroche, provoque des noirs et s'y joue pleinement. Confrontez la modénature de l'entablement du Parthénon, tracée selon des profils rigoureusement arrêtés et aussi précis dans leurs arêtes que s'ils étaient de métal, avec les profils arrondis et souvent compliqués de l'architecture gothique du cloître du Mont St Michel, XIllè s, par ex. C'est une leçon du plus haut intérêt. Elle permet de comprendre l'importance et la valeur prise par la qualité de chaque lumière dans le tracé des profils, et dans le caractère qui leur est ainsi donné. Dans le premier cas une lumière abondante et active modèle fortement les moulures, permet toutes les audaces de tracé; dans le second cas, la lumière transparente mais souvent diffuse impose un profil moins défini, mais plus refouillé, d'une ligne plus sinueuse dans son appel aux brillances, aux ombres portées et aux reflets animateurs de pénombre.
(André Lurçat, "Formes, composition et lois d'harmonie", tome III, Vincent, Fréal et Cie, Paris, 1957, p. 120.)

Modénature
[Choisy écrit qu'elle est essentiellement grecque. Pour l'analyse des jeux de lumière sur les profils, il précise] : Les effets de la lumière sont fort différents selon que la lumière est directe ou diffuse, en d'autres termes selon que la moulure est frappée par le soleil, plongée dans l'ombre d'une saillie ou baignée des lueurs vagues d'un intérieur, quelques exemples:

un biseau occupant la position A se dessine en noir à l'extérieur, en clair dans la lumière diffuse; retourné C, il s'enlève avec éclat sur une façade, sous un portique il se détache à peine. Le cavet B donne à la lumière directe une ombre vigoureuse et transparente; dans un intérieur, une teinte blanchâtre et molle. Ainsi des autres profils. Les Grecs ont analysé tous ces effets: lorsqu'un cavet se trouve dans la lumière diffuse, presque toujours ils lui ôtent sa mollesse par des stries vigoureuses; les moutures exposées au grand jour sont arrondies, les moutures en pénombre anguleuses et heurtées.
(Auguste Choisy, "Histoire de l'architecture", tome premier, Vincent, Fréal et Cie, Paris, 1954, pp. 232 et 233.)

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